Dans
quelques jours, l’équipe de France de natation s’envolera pour Kazan (Russie)
où se disputeront les championnats du monde. Après des mois d’entraînements,
des milliers de longueurs de bassin, les athlètes tricolores vont se retrouver
seuls face à la performance, seul face à un enjeu. Plus question alors de
tergiverser, c’est le moment d’être solide, déterminé et positif. C’est le
moment de savoir gérer la pression.
« Sur
le plot de départ j’avais les jambes qui tremblaient. Quand le starter a
dit : « A vos marques », j’ai vu ma jambe gauche bouger toute
seule. Je me suis dis : « Là, c’est mal barré ! ». Ce
n’était pas la première fois que cela m’arrivait, mais pas à cette
intensité », se souvient Alain Bernard lorsqu’il évoque sa finale
olympique du 100 m en août 2008.« Les périodes précédents une compétition
ne sont jamais évidentes à gérer », poursuit l’Antibois. « Il y
a de la pression, de l’impatience, des doutes, tout cela est mêlé, vous êtes
dans un drôle d’état. Mais j’aime de plus en plus ces moments là. Avec le
temps, j’ai appris à me contrôler, à ne pas prendre les événements à
l’envers. »
Le
stress n’a rien de honteux ou de scandaleux, il s’agit simplement d’un
mécanisme d’adaptation. « Au départ, c’est une réponse physiologique
», explique la sophrologue du sport Marylène Pia dans son livre Gérer la
pression en compétition. « Le système nerveux entre en action, les
glandes médullo-surrénales produisent de l’adrénaline. Notre corps est prêt
pour réagir. Cette réaction mobilise nos ressources, optimise notre vigilance.
Il s’agit là d’une réponse positive. Cependant cette réponse est quelque fois
excessive et pénalisante : cœur qui bat trop vite, respiration courte,
jambes qui tremblent… » D’autant plus pénalisante pour des sportifs
de haut niveau qui ont besoin de tous leurs moyens pour s’exprimer. « Si
le physique et la technique sont de même niveau entre deux protagonistes, c’est
le mental qui fait pencher la balance », note le professeur Jérôme
Palazzolo, psychiatre au Centre hospitalier Sainte-Marie de Nice. « Dans
la pratique, il n’existe généralement pas de disparité technique ou physique
capitale entre des champions confirmés (…) Ce qui fait la différence entre le
vainqueur et le vaincu ne peut provenir que de la volonté, de la combativité et
de la soif insatiable de se dépasser. »
Paradoxalement,
tous les athlètes ont besoin d’aborder une compétition sous tension. Le stress,
s’il est contrôlé, s’avère un atout considérable. « Pour être
performant, il est nécessaire d’avoir un certain niveau de stress », confirme
Marylène Pia. « Pour être performant, certains compétiteurs ont
besoin de se sentir boostés. Ils ont besoin de challenge, d’enjeu pour réussir.
D’autres, au contraire, ne s’exprime pleinement que s’il n’y a pas trop
d’enjeu. Ils sont généralement meilleurs à l’entraînement qu’en
compétition. » Mais un champion du monde de l’entraînement n’étoffera
guère son palmarès. « Le plus dur, c’est de reproduire les bonnes
performances de l’entraînement en compétition », confirme Frédérick
Bousquet. « Mais lorsque cela se produit, c’est grisant, on sent que
l’on ne s’est pas bouffer par la compétition. On sait que l’on a été
fort. » Le stress n’a donc rien d’une malédiction éternelle, il peut
être vaincu.
Comment ? Via la
préparation mentale. Les plus téméraires s’aventureront seuls sur le terrain de
la sagesse et de la maîtrise de ses émotions, mais il est tout de même
recommandé de s’attacher les services d’un préparateur mental compétent.
Longtemps décriée dans le milieu sportif français, la préparation psychologique
a, aujourd’hui, acquis ses lettres de noblesse. « Aujourd’hui, il est
évident que l’on peut parvenir, en discutant avec quelqu’un, à repousser ses
limites, à découvrir les blocages qu’il faut résoudre, à progresser, à
améliorer le mental (…) Ca m’intéresse parce que je considère que tout part du
mental. C’est un peu la tour de contrôle de l’être humain », acquiesce
l’ancien tennisman Cédric Pioline. Des propos auxquels adhère l’ancien DTN du
football Gérard Houiller : « Le mental fait parti de la panoplie du
gagneur. Savoir s’imposer comme un joueur au mental fort, maître de lui dans
toutes les situations périlleuses, capable de se surpasser quand la performance
l’exige ».
En
natation, il a fallu combattre certains clichés. « Au début, quand je
disais que je suivais une préparation mentale, les gens me répondaient :
Mais tu es fou ! Tu as un problème ? », témoigne Franck
Esposito. Mais un préparateur mental n’est pas un psychologue, ni un
psychothérapeute. La préparation mentale vise à rendre l’athlète autonome en
compétition et à lui faire prendre conscience du plaisir et de la chance qu’il
a d’évoluer au plus haut niveau. Trop souvent encore la performance est vécue
comme angoissante alors qu’elle devrait être enrichissante. « J’ai
toujours pensé que les joueurs les plus dangereux sont ceux qui prennent leur
pied sur le court, qui se régalent à donner cent pour cent d’eux-mêmes à chaque
match », conclu le tennisman américain Jimmy Connors, qui considère
que la meilleure réponse au stress est le plaisir, tout simplement !
A. C.
No comments:
Post a Comment