Très
peu nombreux à pratiquer jusque-là la natation synchronisée, les hommes
pourraient voir leur nombre croître rapidement grâce à l’introduction du duo
mixte au programme des championnats du monde. Histoire et perspectives de la
synchro au masculin.
Si l’Australienne
Annette Kellerman est considérée, au début du XXème siècle, comme la
« mère » de ballets aquatiques que l’on ne qualifie pas encore du nom
de natation synchronisée, on oublie souvent que les premières évolutions
harmonieuses d’humains dans l’eau furent le fait… d’hommes. Dès l’Antiquité
grecque, de jeunes éphèbes effectuent, en effet, des figures dans le fleuve
Alpheios en marge des Jeux Olympiques. En 1891, la première compétition de
natation… ornementale qui se déroule à Berlin est réservée aux seuls
représentants du sexe masculin.
Un an plus tard, Bob Derbyshire, un adolescent
de 14 ans, remporte le « championnat » anglais de « Scientific
Swimming » où les participants (et non les participantes) enchaînent les
figures sans musique. Paradoxalement, c’est au moment où la natation
synchronisée trouve son « nom de scène » et se codifie sous sa forme
sportive que les garçons disparaissent du paysage. Pas totalement cependant,
puisque quelques « résistants » vont, contre vent et marée, continuer
de vivre leur passion dans un milieu devenu désormais quasi exclusivement
féminin. Stéphane Miermont découvre ainsi la synchro sur les pas de sa tante
Marie-Claude Chantegraille, entraîneur au Club Nautique de l’Ondaine. Idem pour
Benoit Beaufils qui, dès l’âge de sept ans, rejoint sa sœur aux Dauphins
Montalbanais où elle pratique déjà la synchro. « Ma mère était par
ailleurs devenue entraîneur bénévole dans ce tout nouveau club et pour ne pas
payer de baby-sitter tous les soirs, elle m’emmenait aux entraînements »,
explique Benoît.
Passionnés,
certes, mais un peu perdus dans cet univers féminin, les deux garçons (et
quelques autres) doivent limiter leurs ambitions sportives aux seuls
championnats nationaux où la mixité est autorisée. Si le succès est au
rendez-vous avec les titres de champion de France duo en 1990 et 1991 pour
Stéphane (en compagnie d’Anne Capron) et le titre en équipe juniors pour Benoît
(avec le club de Cergy-Pontoise) en 1996, les moqueries sont aussi au
rendez-vous pour ces hommes qui « pratiquent un sport de femmes ».
Plus ouverts à la nouveauté et à la « différence », les Etats-Unis
vont cependant donner l’occasion à Stéphane, d’abord, et à Benoît, ensuite, de
trouver leur place. Entraîneur de l’équipe américaine de 1993 à 1997, le
premier est, en effet, engagé dans la foulée par le Cirque du Soleil où il
devient l’un des principaux personnages du spectacle « O ». Pas
autorisé à participer en tant que nageur synchro aux grandes compétitions internationales
en raison d’un règlement « sexiste », Stéphane va cependant forcer
les portes de l’univers olympique en étant le chorégraphe des équipes
britannique et chinoise lors des Jeux de Londres (et des duos tchèque,
japonais, mexicain et français). Après 14 ans de carrière sportive et devant la
même impossibilité d’accéder au plus haut niveau, Benoît suit le même chemin,
par-delà l’Atlantique pour rejoindre le club de Santa Clara, puis les shows
aquatiques du Cirque du Soleil et de la Compagnie Dragone. C’est là, à Las
Vegas, que son chemin croise celui de l’entraîneur de l’équipe de France Julie
Fabre qui sait que la FINA serait décidée à créer une épreuve de duo mixte aux
championnats du monde. Le temps est enfin venu pour le Montalbanais de voir son
rêve devenir réalité et pour la synchro, de se conjuguer désormais au masculin.
Jean-Pierre
Chafes
No comments:
Post a Comment