Wednesday, July 5, 2023

À un an des Jeux olympiques de Paris 2024, certains nagent déjà dans la Seine

 


Les Jeux olympiques de Paris 2024 doivent inaugurer les retrouvailles de la nage libre dans la Seine. Sans attendre, un groupe d'intrépides nageurs s'autorise à piquer une tête, bravant la pollution et une interdiction de baignade édictée en 1923.

À un an des Jeux olympiques de Paris, nager dans la Seine n'est pas qu'un doux rêve pour certains. C'est déjà une réalité malgré l'interdiction de baignade édictée en 1923. En cinq ans, ceux qui se baptisent « Les Ourcq polaires », du nom d'un canal dans le nord de la capitale, n'ont jamais eu d'amende, assure l'un d'eux, Laurent Sitbon.

Et une seule fois, la police les a sortis de l'eau manu militari, dit-il, alors que son groupe se revendique « pionniers » d'un plaisir interdit depuis cent ans. Hiver comme été, canal ou fleuve, la baignade reste en effet prohibée en eau vive à Paris comme dans sa proche banlieue.

«  La Seine a très mauvaise presse, comme tous les fleuves de couleur foncée »

Trente ans après la promesse jamais tenue de l'ancien président de la République Jacques Chirac de se baigner dans la Seine - il était maire de Paris à l'époque -, seule la perspective des Jeux olympiques de 2024 a commencé à faire bouger les choses à Paris.

L'État et les collectivités locales ont investi 1,4 milliard d'euros dans des infrastructures et travaux pour dépolluer le fleuve, et ainsi permettre l'organisation des épreuves olympiques de nage en eau libre et de triathlon. Au-delà, il est prévu l'ouverture de sites pérennes pour le grand public en Ile-de-France dès 2025.

« J'ai hâte de nager dans la Seine! C'est autre chose qu'une piscine... », s'enthousiasme Céline Debunne, 47 ans, à l'idée de plonger avec d'une péniche de l'Île-Saint-Denis, située en aval de Paris sur un méandre du fleuve qui coule ensuite jusqu'au Havre en Normandie.  A l'entendre, un grand nombre de Parisiens écarquillerait les yeux.

« La Seine a très mauvaise presse, comme tous les fleuves de couleur foncée. La couleur ne fera jamais rêver », commente Louis Pèlerin, un nageur de 44 ans. « Les gens disent : ''tu es fou, tu vas avoir des boutons!'' », résume Tanguy Lhomme, qui accueille les nageurs sur sa péniche en ce premier dimanche de juillet. « Résultat, ils traitent la Seine comme un égout », déplore-t-il.

Quand il a opté pour cet habitat fluvial, en 2017, « il était hors de question que je me mette dedans. Mais mon rapport (à la Seine) a énormément évolué depuis », retrace ce père de deux enfants. À 20h, une vingtaine de nageurs se jettent à l'eau, pour une sortie d'une heure, soit 2 kilomètres parcourus dans une eau ni trouble, ni limpide, désertée par la circulation fluviale et bordée par des rives au paysage plutôt bucolique.

 

Sortie en groupe et avec une bouée

À 25 degrés, la température « est limite pour des Ourcq polaires », plaisante José Remoué, pilier de ce groupe de nageurs en eau libre qui se plaît dans l'eau froide et a d'ordinaire ses quartiers à Pantin, aux portes de Paris. Ils sortent obligatoirement avec une bouée gonflable et en groupe. La présence de surveillants explique aussi que ces nageurs en eau libre soient « tolérés », selon Laurent Sitbon.

La préfecture de police n'a pas répondu aux sollicitations quant à l'application de l'arrêté historique de 1923 qui interdit la baignade dans le fleuve. « Ce n'est pas la pollution mais le contrôle des mœurs qui en est à l'origine », croit savoir Benoît Hachet, sociologue à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) et autre nageur du groupe. « La pollution, c'est toujours un grand prétexte et souvent un grand mensonge », abonde Sibylle van der Walt, autre sociologue venue de Metz, dans l'est de la France, où elle milite pour l'ouverture de lieux de baignade en eau vive. « Alors que dans les pays nordiques, on se baigne à son propre risque, en France le maire est responsable », d'où la frilosité des élus locaux, estime cette Allemande de 53 ans.

Laurent Sitbon affirme qu'il y a une évolution : « On n'était que quelques-uns en 2017. On a le sentiment d'avoir un peu ouvert une voie. » « Plus que les JO, c'est le réchauffement climatique » qui doit faire évoluer la « question juridique », assure son camarade de baignade, Benoît Hachet : « Dans dix ans, il fera 40 degrés. Les gens iront dans l'eau, qu'on leur interdise ou pas ! ».

Photo AFP/Geoffroi Van Der Hasselt

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